Le mélodrame à l’italienne

J’ai voulu attendre un peu avant de commenter l’agression contre Berlusconi pour bien analyser le cirque médiatique et politique qui allait se former autour de cette histoire. Et comme de raison, une semaine s’est envolée et les débats en Chambre ne se sont pas éteints. Au contraire, ils se sont attisés. On va même jusqu’à crier au complot.

Les couteaux volent bas. Berlusconi accuse l’opposition d’avoir créé un climat propice à la haine en l’attaquant à répétition sur ses faits et gestes : depuis longtemps, l’homme politique se dit être victime d’un complot monté par la gauche. Il est même allé jusqu’à accuser la presse de gauche d’avoir incité à ce geste disgracieux en écrivant des articles contre lui. Pourtant, le lendemain de l’incident, tous les journaux tant de gauche que de droite condamnaient ce geste haineux. Pour sa part, l’opposition renvoie la balle au gouvernement en attribuant la faute à Berlusconi qui aurait créé lui-même ce climat de tension l’accusation d’être trop arrogant.

Et maintenant, Berlu est sorti de l’hôpital en jouant la carte de la victime en lançant un message d’amour pour tous les Italiens. Le slogan de son parti politique a même été changé par L’amour l’emporte toujours sur la haine et l’envie. Il faut dire que le Premier ministre n’est pas un homme politique doué comme ses adversaires, mais il sait très bien comment attirer la compassion de la population. Preuve : sa popularité a monté en flèche dans les sondages depuis cet incident.

Mais si toute cette affaire n’était qu’un coup monté? Je le dis d’emblée que je ne suis généralement pas une adepte des théories de conspiration qui sont un peu trop souvent des exagérations paranoïaques. Mais récapitulons la scène : Berlusconi était en train de signer des autographes comme toute bonne rock star le ferait lorsqu’on homme l’a frappé avec une statuette du Duomo de Milan. Ses gardes du corps l’ont tout de suite transporté à son automobile où il y est resté quelques secondes pour ensuite ressortir avec le visage ensanglanté.

Pourquoi est-il ressorti? Le Premier ministre savait très bien que cette image-choc ferait le tour du monde et connaissait déjà le capital sympathie qu’il gagnerait par cette courte apparition. Et comme le Premier ministre canadien, Pierre Élliot Trudeau, en 1968 lors des émeutes de la St-Jean-Baptiste où il avait tenu tête aux manifestants Québécois, Berlusconi voulait ainsi, comme Trudeau, se montrer fort devant l’ennemi comme le meilleur des guerriers.

Maintenant, on avance l’hypothèse sur Internet que Berlu aurait orchestré tout ça pour augmenter sa cote de popularité gravement touchée depuis le début de l’année. Selon une vidéo publiée sur YouTube: http://www.youtube.com/watch?v=caHdG8KQD0Y&feature=related, toute cette histoire ne serait qu’une mise en scène.

Pour ma part, je ne suis pas convaincue par cette vidéo, mais je ne serais pas surprise qu’il soit le chef d’orchestre de cette histoire. L’homme politique, qualifié de bouffon par certains journaux étrangers, aurait certainement pu organiser ce coup de théâtre pour attirer la compassion du public italien et ainsi se montrer comme l’homme innocent persécuté par ses ennemis. Et qui sait, peut-être que cette semaine à l’hôpital lui aura donner une autre excuse pour se faire faire de la chirurgie plastique.

Voici un des mes articles publié dans le magazine de la Fédération des Professionnelles des Journalistes du Québec, Le Trente.

La Berluscomanie

Le Premier ministre italien, Silvio Berlusconi, se retrouve dans de beaux draps après les scandales sexuels qui l’entourent depuis plusieurs mois maintenant. Le raz-de-marée des déboires du magnat italien a commencé en mai lorsque sa femme envoie une lettre au journal La Repubblica lui demandant le divorce. Elle l’accusait de s’entretenir un peu trop souvent avec de jeunes filles comme Noémie Letizia, maintenant devenue la fillette de 18 ans qui appelle l’homme de 73 ans « papi ».

On apprend ensuite qu’il aurait invité des prostituées à ses fameuses fêtes dans sa villa en Sardaigne où la cocaïne aurait mis un peu de piquant aux soirées. Sans compter que tout ce beau monde aurait rejoint l’île grâce à l’avion présidentielle.

C’est sans oublier ses nombreuses remarques à tendances sexistes. Du genre : « Les femmes de centre-droite sont certainement plus belles que celles de centre-gauche » ou sa proposition d’envoyer plus de femmes dans les différents campements à L’Aquila où se trouvent les victimes du séisme d’avril dernier « pour éviter que les hommes des campements aient l’air gais ».

Pourtant, malgré cette cargaison d’histoires croustillantes, seule une poignée de journaux et chaînes télévisées du pays rapportent quotidiennement les frasques du Premier ministre. Et ceux qui le font sont rapidement taxés de journaux de « gauche » faisant du « journalisme biaisé ». La semaine dernière, « Berlu » a accusé la télévision publique de lui faire de la mauvaise publicité et il continue à pointer du doigt les journaux appartenant au magnat Rupert Murdoch, propriétaire de la chaîne télévisée rivale aux siennes, SKY, pour diffamation. Sa guerre ouverte contre les médias dépasse maintenant les frontières de la péninsule italienne après la récente annonce d’une poursuite en diffamation contre l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur pour un texte jugé peu flatteur sur sa vie privée. Selon son avocat, la liste ciblerait également quelques journaux britanniques.

Ce genre de commentaires n’est pas étonnant venant de l’homme qui contrôle la majeure partie des médias italiens. Il possède à la fois les plus importantes chaînes télévisée privées italiennes et une des plus grandes maisons d’édition du pays et de par sa position politique, influence les chaînes télévisées publiques. Ce qui expliquerait en grande partie l’absence de nouvelles le mettant sous son plus mauvais jour. On l’a récemment vu sur la page couverture d’un de ses magazines entouré de sa famille pour montrer tant à la presse italienne qu’à l’église catholique qu’il était un homme de famille et non un fêtard ou un homme à femmes.

Malgré l’absence de nouvelles sur le deuxième homme plus riche d’Italie, un vent de changement se fait sentir dans le pays surtout chez les femmes et chez les catholiques pratiquants. Selon un sondage du quotidien Corriere della sera la popularité du Premier ministre aurait chuté de 5% chez les femmes et de 7% chez les catholiques pratiquants. Du côté des fervents défenseurs de Berlusconi, ils tendent à oublier tous les faux pas du Premier ministre et blâment la presse étrangère pour sa mauvaise réputation et continuent à croire qu’il est le seul homme capable de gouverner le pays.

Mais la tempête médiatique entourant l’homme politique qui s’est déjà défini comme le « Jésus-Christ de la politique » ne s’apaisera pas de sitôt même s’il y a un vent de poursuites dans l’air spécialement dans les journaux étrangers qui se régalent de ses histoires palpitantes. Du magazine américain Vanity Fair au journal espagnol El pais en passant par le périodique canadienMaclean’s, la bataille de Berlusconi contre les médias qui le montrent sous un jour plutôt sombre est loin d’être terminée.